La Folie en tête …aux racines de l’art brut : quand l’âme est fêlée…

La Maison Victor Hugo a le chic pour choisir des thèmes ancrés dans la vie du célèbre auteur.

Elle arrive toujours à se renouveler et proposer des expositions qui sonnent justes et sont à la fois intrigantes dans le titre et bouleversantes dans le propos. 

Après la fabuleuse rétrospective COSTUMES ESPAGNOLS ENTRE OMBRE ET LUMIÈRE de juin à septembre dernier, nous voici cette fois face à une facette plus sensible de l’univers de l’auteur : la folie.

Ceci dit La Folie en tête … ne se focalise pas beaucoup sur la maladie en soi…

Quelques éléments en lien avec Eugène et Adèle, le frère et la fille de Victor Hugo que l’on sait avoir été touchés par cette maladie, sont exposés à l’entrée mais ils sont là un peu par pudeur – car l’exposition, refusant l’imagerie de la folie et la mise en spectacle des troubles mentaux, entend ne montrer que l’œuvre des malades et leur rendre hommage en tant qu’artistes, comme elle rend aussi hommage aux psychiatres.

 

Avant de se plonger dans LA FOLIE EN TÊTE … Aux racines de l’art brut, exposition thématique présentant les œuvres des patients atteints de démence, une petite explication s’impose.

Au cours du XIXe siècle, certains psychiatres, interpellés par les œuvres des malades mentaux, les engagèrent à créer dans le cadre «d’art-thérapie».

Anonyme, Broderie - copiePremiers collectionneurs, premiers « critiques », leur souci de diagnostic et d’étude fit très rapidement place à la conscience d’être face à un art véritable…

LA FOLIE EN TÊTE … Aux racines de l’art brut,

Via quatre collections majeures constituées par quatre psychiatres (Dr Browne, Dr Auguste Marie, Walter Morgenthaler, Prinzhorn), l’exposition met en lumière près de 200 œuvres, parmi les plus anciennes de l’art brut et souvent inédites en France.

Il s’agit plutôt de suivre l’évolution du regard porté sur la folie au XIXe siècle, avec l’attention soutenue des aliénistes pour la production de leurs malades.

 

Pour commencer l’exposition, un test de Rorschach est représenté sur une borne digitale afin de comprendre la chronologie des différentes parties de la scénographie.

À ce moment-là on peut rentrer dans le vif du sujet : le subconscient et l’imaginaire

Le parcours de visite, organisé de façon chronologique à travers quatre grandes
collections européennes, met en lumière près de 200 œuvres.
Faites sur les murs de l’asile ou sur des matériaux de hasard récupérés en cachette, ces œuvres – peu ou jamais vues en France – ont été récoltées au sein de structures médicales par de célèbres psychiatres.
Klett, Auguts [Klotz], IIIe Feuille : La république des coqs dans le soleil a donné dîner et danse sans déguisement, crayon, aquarelle, craie sur papier
Klett, Auguts [Klotz], IIIe Feuille : La république des coqs dans le soleil a donné dîner et danse sans déguisement, crayon, aquarelle, craie sur papier

Dans un premier cocon, on retrouve le fond de la collection du Dr Browne situé au Crichton Royal Hospital, dans la ville écossaise de Dumfries.

Joseph Askew, Still life with Tankard and Pot Plants, aquarelle sur papier, 1868 © Dumfries and Galloway Libraries
Joseph Askew, Still life with Tankard and Pot Plants, aquarelle sur papier, 1868 © Dumfries and Galloway Libraries, Information and Archives Ewart Library

Ces ressources sont le fruit d’une collaboration psychologique entre le patient et le professionnel de santé. On ressent la douleur et l’enfermement dans les œuvres mais aussi une lueur d’espoir, peut-être un signe de guérison pour certains.

La deuxième alcôve présente les œuvres de patients de l’asile de Villejuif.

Plus sensible et plus forte, on ressent un travail d’art-thérapie avant-gardiste mis en place par le Docteur Auguste Marie.

Auguste Armand Marie (1865-1934), élève de Jean-Martin Charcot, nommé médecin-chef de l’asile de Villejuif en 1900, rejoint l’asile clinique de Sainte-Anne en 1920 où il officiera jusqu’à sa retraite en 1929.

Pour Auguste Armand Marie, « un des meilleurs moyens d’adoucir une captivité souvent indispensable, est d’encourager les malades dans leurs dispositions naturelles».

Sensible à la production de certains de ses patients, s’adonnant lui-même à la peinture à ses heures perdues, le médecin récolte et conserve des œuvres qu’il organise dans un «musée de la folie» qui restera sa propriété.

Joseph Askew - copie
Joseph Askew, stylised figure, crayon et aquarelle s.d
© Dumfries and Galloway Libraries, Information and Archives Ewart Library

Ainsi la troisième partie se focalise sur le fond de Collection Walter Morgenthaler situé à l’asile de la Waldau près de Berne en Suisse.

Le Dr Walter Morgenthaler (1882-1965) psychiatre, issu d’une famille d’artistes, dirigea l’asile de la Waldau près de Berne de 1913 à 1920.

Exerçant dans un environnement de plus en plus tourné vers la « psychiatrie clinique», le Docteur Morgenthaler utilise l’art auprès de ses patients pour comprendre le processus dégénératif.

Le Dr Walter Morgenthaler lui-même accompagne individuellement certains patients dans leur activité picturale – s’asseyant à côté d’eux, notant leurs remarques et rédigeant ses observations sur des fiches et c’est dans ce contexte qu’une collection de travaux de patients voit le jour.
Quelques 2 500 images sur des feuilles de papier et dans des cahiers de dessin, et environ 2 000 feuillets de texte, en plus de nombreux travaux confectionnés en bois, en tissu, en argile, en métal et dans d’autres matériaux.

Le dernier fond est consacré à la Collection Prinzhorn de l’hôpital psychiatrique de l’université de Heidelberg.

« 200 » [Billet de banque], encre sur papier © Sammlung Prinzhorn Heidelberg
« 200 » [Billet de banque], encre sur papier © Sammlung Prinzhorn Heidelberg
Hans Prinzhorn qui a donné son nom à la collection n’est ni psychiatre ni même à l’origine de la collection mais c’est grâce à lui que toutes ces œuvres, véritables symboles d’authenticité à ses yeux, deviendront une composante forte et intrinsèque de l’art moderne.

 

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Else Blankenhorn, sans titre, [Couchée avec aura]
©Sammlung Prinzhorn Heidelberg
Une collection, devenue mythique après la publication en 1922 de son étude, Expressions de la Folie, qui eut une grande influence sur les artistes d’avant-garde.

Quand on visite cette exposition, la douleur est omniprésente au niveau du ressenti des œuvres.

Elle l’est d’autant plus lorsque l’on sait que certaines oeuvres de cette collection ont été choisies par les nazis pour être présentées lors de cette exposition honteuse de 1937 qui était censée présenter au public allemand l’«Art dégénéré».

LA FOLIE EN TÊTE Aux racines de l’Art Brut est une exposition « pure émotion ».

On ne peut s’empêcher d’avoir une pensée pour toutes ces personnes touchées par la démence qui, aidées par les pratiques des docteurs ou juste guidées par leur instinct, ont pu s’évader et s’exprimer par l’art-thérapie.

 Mais le lien entre Victor Hugo et ces collections reste en tout état de cause la réserve et la retenue.

Merci à la Maison Victor Hugo de nous émouvoir.

Maxime Patrault
Maxime Patrault
Cet article a été écrit par notre chroniqueur invité Maxime Patrault dont vous pouvez découvrir l’univers ICI
Infos pratiques
LA FOLIE EN TÊTE
Aux racines de l’art brut
16 Novembre 2017 – 18 mars 2018
Maison de Victor Hugo, Paris
6, place des Vosges – 75004 Paris
Plein tarif : 8 euros – Tarif réduit : 6 euros
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nays3
nays3
6 années il y a

bonsoir Béatrice
formidable l’expo…y a des merveilles parmi ces oeuvres…la folie n’empêche pas la créativité et l’imagination est fertile, et ils sont libres sans lignes a suivre 🙂 j’aime bcp
bisous et douce soirée ☺☺