Une exposition consacrée à l’apport déterminant des artistes d’origine étrangère à la scène artistique parisienne au cours de la première moitié du 20è siècle.

La notion d’« École de Paris » apparaît pour la première fois dans un article du critique André Warnod, paru dans la revue Comoedia en 1925.

À cette date, la formule rend compte de l’extraordinaire foisonnement artistique dû à la présence depuis le début du siècle de nombreux artistes venus de toute l’Europe et d’ailleurs dans la capitale française.

Fuyant souvent des conditions sociales et politiques impropres à une libre pratique de l’art, ces artistes, pour beaucoup venus de Russie et d’Europe centrale, mais aussi des Pays-Bas, d’Italie, d’Espagne ou même d’Asie, trouvent dans la métropole française un milieu particulièrement favorable aux échanges et à la création.

L’attractivité de la « capitale des arts » est due notamment à l’existence des grandes expositions annuelles que sont les salons artistiques, celui notamment des Indépendants, dépourvu de jury, auxquels participent de nombreux artistes étrangers.

La visibilité de l’art est aussi assurée à Paris par de nombreuses galeries, dont plusieurs font bon accueil aux artistes émigrés. Leurs expositions sont relayées par des critiques, souvent issus des mêmes milieux, dans les nombreuses revues qui voient le jour à cette époque.

Surtout, de nombreuses académies de peinture et de sculpture, institutions privées souvent créées par des artistes, se sont ouvertes dans le quartier de Montparnasse. Enfin, le climat politique, intellectuel et moral libéral qui prévaut durant la IIIème République, achève de faire de Paris le lieu de convergence et d’émulations de nombreux artistes étrangers.

Ce cosmopolitisme s’incarne dans une Bohème artistique qui se retrouve dans les bals et les grands cafés, comme La Rotonde ou La Coupole, lieux de convivialité et de réunion de communautés artistiques nationales.

La « part de l’Autre » sur la scène artistique parisienne est d’ailleurs officiellement reconnue par la création du musée national des Écoles étrangères contemporaines, dit musée du Jeu de Paume, qui lors de son inauguration en 1932 consacre une salle très remarquée à l’« École de Paris ».

Ce musée procède ainsi à l’acquisition de nombreuses œuvres, dont certaines, aujourd’hui au Centre Pompidou, figurent dans l’exposition proposée à Céret.

Au plan artistique, la contribution des artistes étrangers, parmi lesquels Marc Chagall, Juan Gris, František Kupka, Pablo Picasso ou Kees van Dongen est décisive dans le développement des avant-gardes fauve et cubiste ou pour les débuts de l’abstraction.

D’autres peintres, comme Amadeo Modigliani, Kisling, Julius Pascin ou Chaïm Soutine, souvent d’origines juives, se consacrent à une figuration expressive qui fait la part belle au genre du portrait. Dans la période des années 1920-1930, une « nouvelle photographie » se développe, grâce à la présence de nombreux opérateurs d’origine étrangère fixés à Paris.

Pour rendre compte de cette effervescence artistique, l’exposition «Chagall, Modigliani, Soutine & Cie, L’École de Paris (1900-1939) » propose six séquences à la fois chronologiques et thématiques.

Celles-ci mettent tour à tour l’accent sur des mouvements auxquels ces nouveaux venus ont contribué (fauvisme, cubisme et abstraction), mais aussi sur des regroupements topographiques, parfois favorisés par des origines nationales communes (La Ruche et Montparnasse), ou encore sur les genres artistiques privilégiés que sont le portrait ou le paysage urbain, illustrés ici par la photographie.

Première section, « Maîtres de la couleur : du fauvisme à l’abstraction »

Cette première section réunit des œuvres de l’Ukrainienne Sonia Delaunay, du Tchèque František Kupka, du Portugais Amadeo de Souza-Cardoso et du Hollandais Kees van Dongen. Arrivés à Paris dans les premières années du siècle, ils se distinguent par leur intérêt pour la couleur qui conduit certains d’entre eux à développer en pionniers un vocabulaire abstrait.

Deuxième section : Cubistes étrangers

La deuxième section consacrée au cubisme et à sa diffusion rappelle tout d’abord le rôle majeur de deux Espagnols de Paris, Picasso, inventeur du cubisme en 1907 (avec Georges Braque), puis Juan Gris, tous deux soutenus par le marchand allemand Daniel- Henry Kahnweiler.

Pablo Picasso (1881 – 1973)
Fillette au cerceau, printemps 1919 Huile et sable sur toile, 142,5 × 79 cm Legs de Baronne Eva Gourgaud, 1965 Collection Centre Pompidou, Paris Musée national d’art moderne
Centre de création industrielle
nv. : AM 4312 P
© Succession Picasso 2022
Crédit photographique : Centre Pompidou, MNAM-CCI/ Philippe Migeat/Dist. RMN-GP

Des artistes russes, comme Serge Férat et Léopold Survage, ou polonais comme Louis Marcoussis, adoptent ce nouveau style pour leurs envois aux Salons parisiens, tout comme le Hongrois Alfred Reth ou l’Espagnole Maria Blanchard. La figure du poète et écrivain d’art d’origine polonaise Guillaume Apollinaire est évoquée par un chef-d’œuvre, le portrait allégorique et prémonitoire qu’en a laissé Giorgio De Chirico.

Giorgio De Chirico (1888 – 1978) Portrait prémonitoire de Guillaume Apollinaire, printemps 1914, Huile et fusain sur toile, 81,5 × 65 cm Achat, 1975 Collection Centre Pompidou, Paris Musée national d’art moderne Centre de création industrielle Inv. : AM 1975-52 © Adagp, Paris Crédit photographique : Centre Pompidou, MNAM-CCI/ Adam Rzepka/Dist. RMN-GP

Chagall et le Foyer de la Ruche

La section suivante, dédiée au « Foyer de la Ruche » s’attache aux artistes russes ou polonais qui ont vécu et travaillé dans des ateliers aménagés dans un ancien pavillon de l’exposition universelle de 1900 déplacé dans le quartier de Vaugirard.

Dans ce bâtiment emblématique du « Paris des étrangers » se sont côtoyés ou succédés les peintres Marc Chagall, Michel Kikoïne et Soutine, tous originaires de Biélorussie, ainsi que les sculpteurs Joseph Csaky, Lipchitz et Zadkine. Ces artistes sont parvenus à transcender leur milieu artistique d’origine pour contribuer à la mise en place dans la capitale d’une véritable avant-garde internationale.

Modigliani et les artistes de Montparnasse

Toujours sur la rive droite de la Seine, le quartier de Montparnasse, qui dans le courant des années 1910 a pris le relais de celui de Montmartre comme centre névralgique de l’activité artistique, fait l’objet de la quatrième section de l’exposition autour de la figure majeure d’Amadeo Modigliani. Accompagnant ses portraits au style résolument personnel sont réunies des peintures du Japonais Léonard Foujita et des Polonais Kisling et Eugène Zak.

Paris vu par…

La section suivante, intitulée « Paris vu par… » est entièrement dévolue à la photographie, dont les plus grands représentants dans la capitale française à partir des années 1920 viennent également de l’étranger comme Brassaï, André Kertesz et Man Ray, ainsi que de nombreuses femmes, comme Rogi André, Ilse Bing, Marianne Breslauer, Florence Henri, Ergy Landau et Germaine Krull. Adeptes d’une « nouvelle vision », facilitée par leur dépaysement géographique, ces photographes par leur interprétation originale du paysage urbain contribuent puissamment à la diffusion du mythe de Paris.

Autour de Soutine. Portraits parisiens

L’exposition s’achève avec une importante section intitulée « Portraits parisiens » centrée sur ceux de Soutine, aux modèles souvent issus de milieux modestes, du Bulgare Julius Pascin ou encore du Tchèque Georges Kars, qui se distinguent par une facture d’une exceptionnelle expressivité.

Chaïm Soutine (1893 – 1943)

Le Groom, [1925]
Huile sur toile, 98 × 80,5 cm
Ancienne collection du baron Kojiro Matsukata affectée en 1959 au Musée national d’art moderne en application du traité de paix avec le Japon de 1952
Collection Centre Pompidou, Paris
Musée national d’art moderne
Centre de création industrielle, Inv. : AM 3611 P
Crédit photographique : Centre Pompidou, MNAM-CCI/Philippe Migeat/Dist. RMN-GP

Présentée dans les nouvelles salles d’expositions temporaires du musée d’art moderne de Céret, l’exposition « Chagall, Modigliani, Soutine & Cie, L’École de Paris (1900-1939) » est proposée par le Centre Pompidou à partir des collections du musée national d’art moderne.

Une première version de cette exposition a été proposée par le Centre Pompidou en partenariat avec l’agence France-Muséums au Louvre Abu Dhabi en 2019.
Son commissaire, Christian Briend, conservateur général du Patrimoine, est chef du Service des collections modernes au Centre Pompidou, musée national d’art moderne.

LE MUSÉE D’ART MODERNE DE CÉRET

© Manolo Mylonas – musée Céret

Le musée d’art moderne de Céret témoigne de l’histoire artistique exceptionnelle de la ville depuis le début du XXe siècle. Dans les pas de Braque et de Picasso, qui firent de Céret « la Mecque du cubisme », les plus grands noms de l’art moderneont séjourné ici : Herbin, Gris, Masson, Soutine, Chagall, Dufy, Marquet, Pignon, Miro, Dali…L’aventure se poursuit à l’époque contemporaine, avec Tàpies, Viallat, Pincemin, Bioulès…

Créé en 1950, le musée bénéficie aujourd’hui d’une architecture remarquable. Le bâtiment de l’architecte Jaume Freixa (à qui l’on doit notamment la Fondation Miró de Barcelone), construit en 1993, s’est agrandi d’une nouvelle aile contemporaine construite par Pierre-Louis Faloci (Grand Prix d’architecture 2018), inaugurée en mars 2022.

L’ensemble du bâtiment bénéficie de larges ouvertures sur le paysage environnant et d’une qualité de lumière naturelle exceptionnelle. La collection moderne et contemporaine permet d’apprécier la place mythique de Céret dans l’histoire de l’art.

Une vaste salle est destinée aux expositions temporaires, dédiées en alternance à l’art moderne et contemporain.

L’exposition consacrée à l’Ecole de Paris entre en résonance particulière avec la collection historique du musée d’art moderne de Céret. Plusieurs des artistes majeurs de cette exposition ont en effet séjourné à Céret et y ont trouvé un lieu propice à la création. Leurs œuvres seront donc présentes dans l’exposition et sur les cimaises de la collection historique du musée.

INFOS PRATIQUES

« CHAGALL, MODIGLIANI, SOUTINE & CIE L’ÉCOLE DE PARIS (1900 – 1939) »

Exposition organisée par le Centre Pompidou, Paris et le Musée d’art moderne, Céret

9 juillet – 13 novembre 2022

Juillet – août : ouvert tous les jours de 10 à 19 h.
Du 1er septembre au 30 juin : ouvert du mardi au dimanche de 10 à 18 h.

Musée d’art Moderne de Céret

8, Bd Maréchal Joffre
66400 Céret – France
T (33) 04 68 87 27 76