La Fondation groupe EDF de la rue de Sèvres annonce la prolongation jusqu’au 2 avril 2023 de « Faut-il voyager pour être heureux ? »

Une exposition inédite en France sur la thématique du voyage.

LAURENCE LAMY Déléguée Générale Fondation groupe EDF nous confie :

« Tandis qu’émergeait chez les plus gâtés de nos sociétés occidentales cette plainte : « Si je ne peux plus bouger, je vais craquer » ,

… c’est – paradoxalement – en plein confinement que nous est venue cette idée d’exposition sur le voyage »

Les récentes mesures prises par les différents gouvernements pour lutter contre la Covid-19 ont souligné notre dépendance au mouvement et révélé à quel point notre envie de mobilité pouvait être contrariée.

L’exposition, illustrée par les oeuvres de 32 artistes contemporains, français et internationaux, aborde des sujets d’actualité, et questionne…

A propos de la mobilité repensée à la suite de la crise sanitaire, des enjeux environnementaux de la préservation des écosystèmes et du changement climatique, ou encore les migrations contraintes et l’exil.

Près d’une cinquantaine d’œuvres – installations, peintures, vidéos ou encore photographies – évoquent ces questions majeures.

Mais cette exposition est aussi une invitation au plaisir et à l’émotion pour découvrir d’un autre œil l’univers du voyage.

Née d’un commissariat collectif réunissant Nathalie Bazoche de la Fondation groupe EDF, Alexia Fabre anciennement directrice du MAC VAL et Rodolphe Christin sociologue, cette exposition a pour ambition de faire réfléchir sur notre conception du voyage souvent identifiée comme un incontournable ingrédient du bien-être.

Les artistes et leurs œuvres bousculent ainsi l’enchantement spontané du voyage, perçu comme un vecteur de connaissance, de dialogue et de développement, pour le confronter aux grands enjeux de notre époque : quelle est l’empreinte écologique des voyages et de leurs infrastructures ? Comment le tourisme transforme les ailleurs en espaces de consommation ? Quel regard peut-on porter sur les populations qui migrent par nécessité alors que d’autres se déplacent par plaisir? Et enfin, parce que le rêve reste une dimension fondamentale du voyage, quels sont les nouveaux imaginaires pour les voyageurs d’aujourd’hui et de demain ?

PARCOURS DE L’EXPOSITION

« Une mobilité infinie dans un monde fini est-elle possible ? »

Rappelons qu’en matière de déplacements, les inégalités sont frappantes : lorsque des populations migrent par nécessité, d’autres se déplacent par plaisir.

Le voyage, ce composant du bonheur pour beaucoup, apparaît aussi comme un baromètre de l’invivabilité du monde.

Le dernier rapport du GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) sonne l’alarme en rappelant l’urgence d’agir contre le changement climatique. En 2019, en France, 31 % des émissions de gaz à effet de serre (GES) sont dus aux transports. En 2020, la pandémie, en quelques jours, a stoppé net l’industrie touristique, une des premières industries du monde selon l’Organisation mondiale du tourisme. Dans un monde fini, peut-on imaginer une mobilité infinie et sans dommages ?

ANGE LECCIA

Photo Maxime Patrault

« Rendre le monde fréquentable »

Longtemps, voyager fut une épreuve physique et psychologique. Physique, car partir signifiait s’exposer aux intempéries, à la fatigue des efforts nécessaires au mouvement. Psychologique, car s’éloigner était synonyme d’isolement : on quittait son quotidien, ses proches, pour aborder l’inconnu. L’incertitude était la règle, le hasard et l’aventure bousculaient les prévisions.La révolution industrielle a entraîné le développement des mouvements de marchandises et de main-d’œuvre. Pour cela, augmenter le nombre de routes s’est avéré nécessaire. Celles-ci ont d’abord été empruntées grâce à l’énergie animale, avant que mécaniques et moteurs ne prennent le relais en réduisant la fatigue, en augmentant la vitesse. Pour régulariser les déplacements et les rendre prévisibles, il a fallu organiser le monde à cette fin. La Terre, une fois devenue accessible et fréquentable dans ses grandes largeurs, a pu être exploitée. Chaque technologie exige ses infrastructures : ports, aéroports, aires d’autoroutes, mais aussi antennes, pipelines, câbles et ondes pour acheminer l’énergie et permettre des connexions. Des grands axes de la circulation planétaire jusqu’aux sentiers de randonnée, des itinéraires sont établis pour mailler les territoires, quadriller la planète. La voici partout accessible et disponible. Déjà certains rêvent de l’espace intersidéral.

ÉMILY JACIR

À travers ce convoyeur à bagages, l’artiste palestinienne convoque l’univers de l’aéroport : antichambre du voyage, espace d’attente, de transit, ou de retour. L’infrastructure de l’aéroport appelle des imaginaires ambivalents. Elle représente à la fois la découverte et l’évasion, une mobilité rapide et facile, mais aussi ses revers sur les plans touristique et écologique.Ici, c’est la possibilité même du voyage qui est remise en cause. Le convoyeur tourne en rond et à vide, symbolisant ainsi l’incapacité de partir ou de revenir. L’absence de bagages fait également écho à l’absence de voyage. L’installation, dotée d’un détecteur de mouvements, n’est activée que par une présence humaine, celle des visiteurs.Cette création d’Émily Jacir est autobiographique et évoque l’impossibilité pour les Palestiniens de regagner leur pays d’origine. Son titre ambivalent, Embrace, signifie à la fois étreindre, embrasser, et encercler, clôturer.

Emilie Brout et Maxime Marion

Avec Ghosts of your Souvenir, Emilie Brout et Maxime Marion se sont littéralement incrustés sur les selfies de touristes aux quatre coins du monde.

Ils ont ensuite retrouvé les clichés grâce à leur référencement sur les réseaux sociaux.

Jouant à la fois sur l’anonymat et sur la traçabilité des photos publiées sur Internet, ils proposent une réflexion sur la façon d’immortaliser nos souvenirs de voyage. Que reste-t-il de l’exotisme lorsque l’on se photographie dans les lieux les plus touristiques, entourés de dizaines d’autres touristes qui font le même cliché et apparaissent en arrière-plan ? En recherchant sur les réseaux un site touristique, on découvre une grande similitude dans les habitudes qu’ont les voyageurs our se photographier. Le choix des visites ou le voyage lui-même sont parfois conditionnés par le caractère instagrammable du lieu.

Fantômes de nos souvenirs, les deux artistes questionnent la pratique de la photographie référencée, dont la date, le lieu, ou le hashtag sont parfois sa seule identité et le seul moyen de la distinguer parmi des milliers d’autres, similaires.

Stéphane Degoutin et Gwenola Wagon

CARTES POSTALES

Il existe environ 5 milliards de cartes postales représentant la Tour Eiffel dans le monde.

Lorsqu’une ville ou une région entière se trouve réduite à ses monuments les plus célèbres. Le lieu véritable disparaît alors derrière son propre symbole.

Gwenola Wagon et Stéphane Degoutin nous invitent à une réflexion sur ce phénomène particulier d’essentialisation.

Ces douze cartes postales font partie d’un ensemble qui en compte trente-deux, et interrogent chacune à leur manière les stéréotypes de représentations.

Les images que les artistes produisent réhabilitent les banlieues comme des lieux à part entière, des destinations, et non plus comme de simples quartiers annexes.

Elles ne cherchent ni l’exotisme, ni le pittoresque, mais bien de l’ordinaire, des quotidiens, peut-être banals, mais qui ne nous restent pas moins inconnus.

N’est-ce pas aussi cela qui fait le voyage ?

Le format même de la carte postale nous invite à des escales, à prendre le temps de regarder. Il questionne également la temporalité du voyage aujourd’hui, et des modes de communication qui l’entoure.

CRISES

Dans un montage vidéo d’extraits récupérés sur Internet, Gwenola Wagon et Stéphane Degoutin mettent en exergue l’ambivalence et les contradictions de l’infrastructure de l’aéroport.

Dans ce lieu tout particulier où les corps, les comportements, les objets de l’ordinaire deviennent des menaces potentielles, notre humanité est mise à mal.

Suite à la pandémie, cette version de Crises propose une collection de vidéos montrant des réactions extrêmes provoquées par l’angoisse des mesures de contrôle supplémentaires.

En effet, la crise du Covid-19 a exacerbé cette surveillance constante et ses paradoxes, où les contrôles d’identité se heurtent au port du masque et la libre circulation aux contrôles sanitaires.

L’œuvre pose un regard critique sur les lois du microcosme aéroportuaire, qui est au cœur d’un grand nombre de nos déplacements. Le voyage lui-même serait-il menacé par une mobilité frénétique et par le dysfonctionnement de ses infrastructures ?

Crises illustre le propos de l’ouvrage Psychanalyse de l’aéroport international publié par les mêmes artistes.

Mark Wallinger

En 2000, avec Threshold to the Kingdom, Mark Wallinger s’intéresse à son tour à l’univers aéroportuaire.

L’artiste, qui, avant la réalisation du film, pensait souffrir d’une peur de l’avion, déclare en 2011 dans une interview : « C’était des aéroports dont j’avais peur, pas de l’avion ».

Dans cette séquence réalisée à l’aéroport de Londres-City, tant le ralenti que le Misere de Gregorio Allegri confèrent une portée religieuse au lieu, où des passagers passent les portes des arrivées internationales. Le ralenti rappelle également la distorsion du temps caractéristique des voyages en avion.

L’artiste met en scène la symbolique de l’arrivée sur un territoire.

Le passage des portes apparaît ici comme une renaissance.

En effet, la musique évoque la prière d’absolution du Psaume 50 de la Bible.

Mark Walllinger, The Threshold to the Kingdom, 2000, capture d’écran vidéo © Mark Wallinger
DACS 2022, Courtesy Hauser & Wirth © Adagp, Paris, 2022

Ce qui est pour certains un retour attendu par des proches est pour d’autres une arrivée anonyme en terre inconnue. L’indifférenciation de la provenance des voyageurs renforce cette impression d’une venue au monde, ou au contraire d’une entrée dans l’au-delà. Cette ambiguïté peut aussi renvoyer au sort incertain des immigrés arrivant dans un nouveau pays.

Kimsooja

Les bottaris sont ces balluchons faits de tissus traditionnels coréens, appelés bojagi, dans lesquels les voyageurs emballent leurs affaires pour se déplacer. Pour cette performance, l’artiste a récupéré des tissus chez Emmaüs, symbolisant ainsi par la diversité des couleurs et des motifs les différentes communautés vivant en Île-de-France.

Les bottaris sont chargés sur un pick-up qui effectue un trajet bien précis : du MAC VAL de Vitry-sur-Seine à l’église Saint- Bernard dans le 18èmearrondissement de Paris, en passant par les lieux symboliques des places de la République et de la Bastille.

L’artiste commémore avec cet itinéraire l’expulsion brutale par la police de centaines de sans-papiers de l’église en 1996, tout en y confrontant les symboles républicains. Entre mémoire historique et critique politique, Kimsooja nous parle d’une autre forme de voyage : l’exil forcé du pays natal et les problématiques d’intégration dans le pays d’accueil.

Pierre Huyghe

Or est l’affiche d’une performance qui eut lieu à San Francisco en 1995, au cours de laquelle l’artiste a lui-même créé une bifurcation sur un chemin de promenade.

Pierre Huyghe nous propose une autre route dont la destination, si elle existe, reste méconnue.

À travers cette photographie, il stimule notre imaginaire du voyage : de quoi nous fait-il rêver, et qu’en attendons-nous ?

L’artiste nous montre que le voyage peut être conçu comme un acte de liberté, de rencontre avec l’inconnu, plutôt que comme un simple trajet vers une destination.

Etats-Unis), impression offset s, 2022 Courtesy de l’artiste

Le titre de l’œuvre, s’il peut faire référence à la couleur du paysage, peut aussi être la conjonction de coordination qui oppose deux idées, ou encore le terme anglais signifiant « ou ».

On note également un accord de sonorité avec la préposition « hors », suggérant ainsi des alternatives à notre façon de voyager.

Taysir Batniji

L’homme ne vit pas seulement de pain #2 est composée de savons de Marseille sur lesquels est gravé l’article 13 de la Déclaration universelle des Droits de l’Homme.

L’homme ne vit pas seulement de pain #2, 2012, Article 13 de la Déclaration universelle des droits de l’homme et du citoyen gravé dans des savons de tallation reproduite pour l’exposition © Taysir Batniji / Adagp, Paris, 2022 © Christophe Ecoffet

En choisissant des savons, Taysir Batniji met en opposition l’immuabilité présumée de la loi et son caractère pourtant éphémère, voire consommable.

De même, il décide de l’ancrer dans une spatialité bien précise, contrastant avec son propos universel : cette version de l’œuvre en savons a initialement été créée pour une exposition à Marseille, ville portuaire à l’histoire migratoire.

L’artiste nous place ainsi face à nos responsabilités, dont celle de protéger et de redonner sens à ce texte de loi fondamental. La question qui se pose implicitement est : pouvons-nous vraiment nous en laver les mains ?

La première version de l’œuvre en 2007, en Suisse, était faite de chocolat, et a été engloutie en un seul jour par les spectateurs.

INFOS PRATIQUES

Visite gratuite sur réservation sur affluences.com

VISITES GUIDÉES (hors vacances scolaires et sur réservation ici), tous les samedis et dimanches de 14h à 15h.

Médiateurs dans l’exposition les dimanches entre 14h et 17h

Visites scolaires gratuites sur inscription

À découvrir au sein du parcours de l’exposition : Des podcast réalisés par les créateurs de contenus : Bruno Maltor, Jeyxplore, Dolores, Florin de France, autour de 4 œuvres de l’exposition.

Scannez les QR codes disponibles près des cartels des œuvres sélectionnées dans l’exposition.

+ Livret disponible en anglais

ANIMATIONS Tout au long de l’exposition, des animations (conférences, ateliers, écoutes d’albums, …) seront proposées gratuitement au grand public, sur inscription. Le programme sera disponible prochainement sur le site internet de la Fondation

Flowertrip : Une expérience en réalité augmentée à venir tester au RDC de l’espace d’exposition. Avec votre smartphone, faites un voyage floral en réalité augmentée et découvrez des plantes hybrides douces et colorées.

Fondation groupe EDF

6, rue Récamier – 75007 Paris

M° Sèvres-Babylone

Tél. : 01 40 42 35 35

Entrée libre – sur réservation – du mardi au dimanche (sauf jours fériés) de 12h à 19h