Une pièce extraordinaire !

« Votre maman… » ce sont les premiers mots qu’utilise le directeur de l’Ehpad lorsqu’il s’adresse au fils qui vient quotidiennement rendre visite à sa maman.

En général c’est pour lui dire qu’elle refuse de se lever d’une chaise roulante qu’elle a accaparé mais qui ne lui appartient pas ou qu’elle a frappé une autre malade qui venait faire pipi dans SES toilettes privées …

Le quotidien d’un Ehpad ordinaire quoi. Où le directeur semble parfois aussi pitoyable que ses pensionnaires, avec lesquels il partage ce sentiment d’être incompris. Et aussi ce côté obsessionnel qui le conduit à répéter systématiquement qu’il manque de personnel et est incapable de faire face…

Jusqu’au jour où …

– Votre maman … a disparu!

– Comment ça disparu ?

– Mais ne vous en faites pas les gendarmes vont la retrouver…

– Comment ça les gendarmes ? Mais ma mère déteste les gendarmes !

– Oui mais on a déjà cherché partout et eux, avec les chiens…

– LES CHIENS ? ? ? mais ma mère déteste encore plus les chiens que les gendarmes. Elle en a une peur bleue et si elle les entend elle va se cacher…

C’est à ce moment-là que nous saute au visage une autre réalité. Poignante. Celle de tous ces souvenirs épouvantables vécus dans l’enfance que la maman a enfoui sous des morceaux de mémoire et qui la rattrapent.

Le texte de Jean-Claude Grumberg ravive l’une des pages les plus affreuses de notre Histoire. Celles qui ne doivent jamais être oubliées car c’est en les ayant toujours en mémoire qu’on pourra – peut-être – éviter que ces horreurs ne se reproduisent.

Les mots de Jean Claude Grumberg sont à la fois réalistes et profonds, tristes et pleins d’humour.

Les dialogues nous touchent forcément. Même les plus jeunes. On est tous de près ou de loin confrontés à cette détresse qui submerge ceux et celles que l’on a connues et aimées AVANT et qui petit à petit s’éloignent du réel et ne sont plus les mêmes…

L’émotion nous saisit dès les premières minutes ….

et ce jusqu’à la dernière réplique.

Une émotion magnifiée par l’excellente interprétation de Colette Louvois (de la comédie française qui a fondé l’Ecole de théâtre de Paris).

Émotion qui cohabite parfois avec un sourire lorsque la maman se défend avec des arguments tellement à propos …

La mise en scène de Wally Valerîa Bajeux est très réussie.

De grands rideaux blancs derrière lesquels évoluent parfois les comédiens en ombres chinoises accentuent la théâtralité de certaines scènes .
Des coups de sifflets viennent brusquement rompre la sérénité apparente. Petit à petit on comprend qu’ils évoquent ceux qui retentissaient pendant la guerre dans les camps de concentration.

Les comédiens

Entre petits sourires coquins, câlins au directeur – qu’elle prend parfois pour son fils – et désir de revoir sa maman, Colette Louvois est merveilleusement attendrissante.

Marc F. Duret et Jean- Paul Comart sont eux aussi parfaits. On se régale à écouter leurs dialogues presqu’Ubuesques.

Tous sont excellents y compris Titouan Laporte (jeune talentueux comédien qu’on a pu voir dans des séries télé et qui prépare son deuxième seul en scène) dont l’intervention à la fin de la pièce revêt une dimension particulière.

Cette pièce est une pépite et je remercie vivement l’attachée de presse Dominique Lhotte de m’avoir invitée à la découvrir.

Les billets sont en vente au guichet 1/2 h avant le début de la pièce mais je vous conseille de réserver vos places en ligne à l’avance (ou même par téléphone au 01.42 93 13 04) car la salle était pleine le soir où nous y étions.

Votre maman

de Jean Claude Grumberg

Mis en scène par Wally Valerina Bajeux
Avec Marc F. Duret, Jean-Paul Comart, Colette Louvois et en alternance Titouan Laporte, Morgan Costa Rouchy, Mathis Duret

Studio Hébertot

78 bis Bd dès Batignolles – 75017 Paris

Du 27 septembre au 21 décembre 2022

Le Mardi à 21h et le mercredi à 19h